Application proposée par le Club des Argonautes
Auteur
et codage R-Shiny : Pierre Chevallier
Relecture : Yves
Dandonneau, Katia Laval, Bernard Pouyaud et Raymond Zaharia.
Version : mai 2024
Le lecteur pourra aussi se reporter à l’entrée « évapotranspiration » du glossaire des Argonautes.
L’évapotranspiration (ET) est le flux d’eau d’une surface continentale comportant de la végétation vers l’atmosphère. Elle inclut trois processus : l’évaporation d’eau du sol, l’évaporation d’eau interceptée par la végétation et la transpiration du végétal. Ce flux fait passer l’eau de l’état liquide à l’état de vapeur et il utilise une quantité significative d’énergie apportée par le rayonnement net, lié aux conditions climatiques locales.
Sur les grandes surfaces d’eau libre, comme les océans ou les lacs, on parle d’évaporation, puisqu’en effet il n’y a pas de transpiration en l’absence de végétation.
On définit l’évapotranspiration de référence (ET0) comme la valeur maximale possible de l’évapotranspiration dans les conditions (climat, végétation) d’un lieu donné. C’est-à dire que la quantité d’eau disponible en ce lieu, en surface ou dans la zone d’extraction par la végétation, est suffisante pour utiliser l’apport d’énergie (rayonnement net) et alimenter le déficit de teneur en vapeur d’eau. On note aussi que la transpiration des végétaux est contrainte par la montée de la sève vers le feuillage ; c’est ce qu’on appelle la résistance stomatique.
Pour un rayonnement net donné, l’évapotranspiration réelle (ETR) est généralement inférieure parce que le stock d’eau extractible est insuffisant et/ou le déficit de teneur en vapeur d’eau comblé. En effet, si le déficit de teneur en vapeur d’eau est comblé (100 % d’humidité relative), il n’y a pas d’évapotranspiration. On remarque aussi que dans le cas de l’évaporation d’une surface d’eau libre, le stock initial peut être considéré comme infini (à l’exception notable d’une surface lacustre qui s’assèche).
L’évapotranspiration est un flux d’eau que l’on rapporte à une surface donnée, dont l’unité s’exprime en volume par unité de temps et par unité de surface. Les hydrologues et climatologues utilisent généralement la même unité que pour les précipitations, le mm/jour (on peut aussi trouver d’autres bases de temps comme l’heure, le mois, l’année, etc.). Dans le langage courant, 1 mm/jour correspond à 1 litre/m².jour. On note que les précipitations sont le flux inverse qui transfère de l’eau atmosphérique en eau de surface.
Dans certaines conditions énergétiques, l’eau superficielle solide sous la forme de neige ou de glace peut être vaporisée sans passer par la phase liquide. C’est ce qu’on appelle la sublimation. Ce phénomène n’est pas abordé ici.
S’il est possible de mesurer directement l’évapotranspiration, les dispositifs utilisés s’attachent à des observations stationnaires (lisymètres, évapotranspiromètres, mâts de bilan d’énergie, scintillomètres, etc.) qui sont souvent complexes et coûteuses à mettre en place et à suivre.
On a donc recourt à des modèles pour estimer l’évapotranspiration qui est un élément central du bilan hydrique d’un territoire (Hingray et al. 2009), quelle qu’en soit l’échelle - locale, régionale ou continentale. De plus, la connaissance de l’évapotranspiration est également importante pour piloter la demande en eau des cultures ou des milieux végétalisés et assurer une « bonne pratique » de la gestion de la ressource en eau.
Il existe de nombreux modèles d’évapotranspiration, le plus souvent spécifiques d’une situation particulière. Le modèle de Penman-Monteith est celui qui est le plus fréquemment utilisé par les scientifiques. Il permet en effet de prendre en compte par sa paramétrisation relativement complexe un grand nombre de situations. La formule qui en résulte s’appuie sur une représentation physique du bilan d’énergie, en procédant toutefois à des simplifications dans le calcul de ses composantes. Pour ces raisons, le modèle de Penman-Monteith est celui qui est utilisé dans les modèles de climat, dans les modèles SVAT (Soil, Vegetation, Atmosphere Transfer) ou dans les modèles hydrologiques, tout au moins dans ceux qui sont les plus performants.
Le mode de calcul qui suit est adapté de la note publiée par la FAO (Food and Agriculture Organisation) (Allen et al. 1998) que l’on peut consulter ici pour une description détaillée des différentes étapes.
ET0 = (0,408 * Δ * (Rs – Ri - G) + γ * (900 / (T + 273) * u2 * (es – ea)) / ( Δ + γ * (1 + 0,34 * u2))
où :
ET0
évapotranspiration de référence [mm/jour]
Rs, rayonnement
solaire à la surface [MJ/m².jour]
Ri, rayonnement infra-rouge
terrestre [MJ/m².jour]
G, densité de flux de chaleur du sol
[MJ/m².jour]
T,
température moyenne de l’air à 2m [°C]
u2, vitesse du vent
à 2m [m/s]
es,
pression
de vapeur à saturation [kPa]
ea,
déficit
de pression de vapeur à saturation [kPa]
Δ, pente de la courbe
de pression de vapeur [kPa/°C]
γ,
constante
psychrométrique [kPa/°C]
La différence (Rs-Ri) constitue le rayonnement net Rn.
Dans le modèle didactique présenté ici pour le calcul d’une valeur journalière de l’évapotranspiration de référence ET0, chacun des paramètres est calculé à partir des données mesurées suivantes :
Tmax
et
Tmin,
respectivement les températures maximale et minimale observées le
jour
considéré, mesurées à 2m [en °C]
Hr,
l’humidité relative moyenne mesurée du jour considéré [en
%]
Patm,
la pression atmosphérique réelle (pas réduite au niveau de la mer)
moyenne du jour
[en
kPa]
u2,
la vitesse moyenne du jour du vent à 2m [en m/s]
alt
et
lat,
les caractéristiques du lieu en altitude [en m] et latitude [en° >0
au nord et <0 au sud]
albédo
du
lieu [sans unité entre 0 et 1] (voir détail
ci-dessous)
La date complète du jour est utilisée pour calculer le rapport fj correspondant au numéro du jour dans l’année / nombre de jours dans l’année (365 ou 366).
On a alors :
Rs,
Ri et G,
bilan
d’énergie :
Rs
=
(1 - albedo)
* (0,75 + 2 * alt
* 10-5)
* Ra
où
Ra, le rayonnement extra-terrestre [en MJ /m².jour], se calcule de
la manière suivante :
Ra = 24 * 60 * 0,0820 / π * dr * (ω
* sin (φ) * sin (δ) + cos( φ) * cos (δ) * sin (ω)
avec :
dr
= 1 + 0,033 * cos (fj
*
2π)
φ = lat
*
π / 180
δ = 0,409 * sin (fj
*
2π – 1,39)
ω = arccos (-tan (φ) * tan (δ)
Ri
= 2,4515.10-9 * ((Tmax +
273)4 + (Tmin + 273)4)
* (0,34 – 0,14 * ea)
G est négligeable devant (Rs-Ri).
Noter que le calcul proposé ici est une approximation du rayonnement net qui ne tient en particulier pas compte de la couverture nuageuse. Il arrive que ce dernier soit connu par observation directe du bilan d’énergie ou par une modélisation extérieure (par exemple des réanalyses) et il peut alors être avantageux de considérer directement sa valeur dans la formule de Penman-Monteith.
T,
température de l’air :
T
= (Tmax
+
Tmin)/2.
es,
ea,
Δ,
pression de vapeur :
La
pression de vapeur saturante pour une température donnée s’exprime
par
0,6108 * exp (17,27 * T / (T + 237,3)).
es
est
la moyenne de cette pression calculée pour les valeurs maximale et
minimale journalière de température.
ea
est
égale à Hr
*
es
/
100
Δ = 4098 *(0,6108 * exp
(17,27
T / (T + 237,3)))
/
(T + 237,3)²
γ constante
psychrométrique :
γ
= 0,665 * Patm.10-3
L’albédo est la fraction de rayonnement solaire réfléchie par la surface terrestre. Dans notre modèle, nous proposons 8 surfaces prédéfinies dont voici les valeurs d’albédo :
Sol nu |
0,17 |
Glacier ou banquise |
0,60 |
Culture ou végétation basse |
0,23 |
Neige tassée |
0,55 |
Forêt de feuillus |
0,10 |
Neige fraîche |
0,85 |
Forêt de conifères |
0,15 |
Terre entière |
0,31 |
NB : les valeurs données ici sont des valeurs « types » illustratives qui peuvent largement varier selon les conditions réelles.
Allen, R.G., Pereira, L.S., Raes, D., Smith, M., 1998. Crop evapotranspiration. Guidelines for computing crop water requirements., FAO. ed, FAO irrigation and drainage paper. Rome, Italy.
Hingray, B., Picouet, C., Musy, A., 2009. Hydrologie. 2. Une science pour l’ingénieur, Science et ingénierie de l’Environnement. Presses Polytechniques et Universitaires Romandes, Lausanne.